Livre 2 - L'arrimage

Titre 6 - L'amour et l'infini
Une roue à aube,
au fil se dérobe,
en brume du soir.
C'est l'âme cyclope
qui fume sa clope
dans l'eau du miroir.

Les godets naufragés,
dans les flots enragés,
ont quitté le navire
comme le sentiment
fuit le cœur en tourment
qu'un amour mort déchire.

Une petite planète
pleure en marchant sur la tête,
hip-hop sur cailloux en sang.
Quand s'éteint toute lumière,
au trou noir va la prière,
soleil en fumée, encens.

Le godet du cœur et des pleurs
vibre toujours au chant des fleurs,
la muse repose en son âme.
Il suit la vie et son chemin,
sans mépris pour le lendemain,
et réserve la plume au drame.

Le soleil éteint trotte dans sa tête
mais ne détruit pas une vie en fête.
La terre à la lune avale le sang
et crache le feu quand le ciel se lève.
Sur la nature, l'émotion s'élève
et brise le temps d'un adolescent.

L'eau rose du matin reste fraîche au destin
et la planète est riche où vivre est un festin.
La muse évanescente aux aguets dans la combe
des nuits pâles, sourit, malgré le sort moqueur,
quand la mélancolie offre la plume au cœur
pour un livre futur jaillissant d'une tombe.
1
La muse morte
L'armature du temps supporte un ciel sans trêve.
La mort tôt éprouvée en succube du rêve
tisse toujours sa toile au plafond de la nuit,
et cette Pénélope attendant son Ulysse
sait que l'amour toujours reviendra de l'abysse
et qu'il faut patienter au delà de l'ennui.

Quand au fond de l'âme un phénix fœtus
subit la flèche du fils de Vénus,
un nouvel Orphée, au feu de l'abîme,
arrache la lyre. Et le verbe croît,
encore embrumé comme un astre froid,
mais l'espoir fait naître un rêve de cime.

La morte, au cœur du vieux poète,
sait qu'un printemps toujours s'entête
et accomplira sa mission.
Son esprit voit pousser la graine
quand la vieille plume à la peine
livre ses mots à la fission.

La vie et ses eaux, d'abord,
s'engouffrent dans le sabord
de l'âme et de ses voyages.
Les retours et les espoirs
font scintiller leurs miroirs
sous l'arche du pont des âges.

L'insouciance en goguette
croque la gariguette
au jus frais du matin.
L'esprit conte fleurette
au cœur en amourette
sous les soirs de satin.

Quand le sexe ment
sur le sentiment
sans aucun complexe,
un démon dément
le désir aimant
d'une chair perplexe.

2
La farine roule,
chaque mot roucoule,
tel un amour chien
qui emplit son verre
au chant de la terre,
un lied autrichien.

Mais la chair en son chant
laisse amer le penchant.
La nature est un temple
toujours nimbé d'esprit
et l'amour à ce prix
résonne comme un sample.

La valeur de chaque chose
se mesure à cette osmose
entre le cœur et le corps.
Les profondes déchirures
ont oublié les sutures
qui rythment tous les accords.

Va pour ce monde à deux miroirs
engoncés en un seul tiroir
où la joie est à l'harmonie
ce qu'est la peine à la scission.
Corps à cœur sur sa partition
la vie est une symphonie.

Le souvenir, un temps, va disparaître
comme l'enfance qui regardait paître
les vaches lentes et parfois meuglant.
Le bouton d'or laisse place au colchique
puis l'étable remplace un ciel tragique
face au silence blanc, miel aveuglant.

Les maisons des âges ont toutes leurs saisons
qui dansent sur la courbe en pleine déraison
apparente. Étranges rémanences de l'âme
qui convoque l'esprit au seuil d'un horizon
invisible. Au delà des sens en leur prison,
la mort brise le mur, l'immensité se pâme.

3
Le social, le nuptial s'emparent de la vie,
diurne et nocturne s'embrassent à l'envie,
auto, boulot, dodo arriveront plus tard.
Sur le rail affaissé d'un amour très paisible,
le temps anesthésie un espace sensible.
Chaque seuil se contracte aux yeux des avatars.

Le choix du présent peut rompre le sort.
Vivre chaque instant sur un tempo fort
prévient la déliquescence du vide
en faisant le vide au long des temps morts
au lieu de l'emplir avec des raccords.
Sinon, la vie instruit son propre bide.

Les sarments de la chair avide
enracinent le sol aride.
Amende l'amande du cœur
au premier rayon de l'aurore !
Son fil conduit au minotaure.
Va changer le fiel en liqueur!

Ainsi l'amour au charnel
accorde un sens éternel.
Le sexe arbore un sourire
dans la pureté du jour.
Son jeu enrobe l'ajour
et dans la lumière expire.

Petite mort subite,
étrange stalactite
qui survit au plaisir,
la chair qui se repose
ne peut nier l'osmose
où naquit le désir.

Le temps ressassé
revit le passé.
Ouvre une autre porte!
Un amour profond,
en lame de fond,
au ciel te transporte.

4
Une cavalcade
offre sa saccade
au rythme du temps
comme des coutures
sur les déchirures
refont le printemps.

Le poème et la mort
dansent au fond du corps
sous un cœur candélabre
où les jeux constellés
des sentiments mêlés
effacent le macabre.

La mort déroule ses pages
sur la promesse des âges
telle l'énigme du sphinx
mais aucun poème Œdipe
n'a découvert le principe
et libéré le larynx.

Le verbe assoiffé d'absolu
par le mystère est involu
mais sa quête est relative
et chaque fil sur le métier
semble ouvrir un nouveau sentier
où la magie est plus que vive.

Le poète chevauche une comète,
langue échevelée en source secrète
où flotte la chaux des imbrications
de la vie. Au silence de l'intime
résurge le poème qui exprime
le réel et toutes ses vibrations.

La mort au fil de l'eau s'inscrit dans ce réel
où l'au-delà résiste en l'étrange éternel.
La science en répondant aux questions du poète
enrichit le magma du poème émanant
qui gît dans sa présence et vit dans l’immanent.
L'être ou le non être n'est pas sujet d'esthète.

5
Des arbres étoilés sur des rives lointaines
aspirent l'infini dans les claires fontaines
ceintes d'herbe mouillée ou d'éther azuré.
La muse m'apparaît, sa chair évanescente
surgissant de la nue en une aube naissante,
étonnante analepse au bond démesuré.

Un visage oublié vient me chercher,
j'ai fini de jouer à chat perché
sur la crête des vagues de la vie.
Elle a traversé le pont des soupirs,
ravivant un vœu qui semblait croupir
au fond d'un cœur dont elle fut ravie.

A corps perdu dans le sillage
d'une barque où gît ton image,
je vendange l'onde du temps.
L'amour est devenu plus sage,
il a distillé le mirage
et l'âpre carnation du vent.

L'esprit valse en profondeur.
son sourire un peu frondeur
s'immisce au remous de l'âme.
L'amour ne perd pas son sel
quand un sang universel
dépasse un retour de flamme.

Une lointaine morte
m'a désigné la porte
qui ouvre l'infini
sur la fusion des êtres
comme autant de fenêtres
où tout est défini.

Dans cette maison,
pure est la raison.
Aucune frontière
n'entrave l'esprit
pour toujours épris
de toute matière.

6

Ce poème résume en 6 tableaux de 6 strophes les 6 thématiques de chaque livre du recueil avec des imbrications ponctuelles et des clins d'oeil à la manière du jazz:

  • Petite planète

  • Les armatures du temps

  • Rémanence de la mémoire

  • Sentiments charnels

  • Le poème et la mort

  • L'amour et l'infini

Les rimes reprennent l'architecture de celles du "Cimetière marin" ou de "Mignonne allons voir..." mais avec alternance pour l'égalité des sexes. Une rythmique des pieds 6/7/8/10/12 en flux et reflux symbolise la vie et les analepses de la mémoire.

Ca peut paraître compliqué mais c'est facile, comme du hip-hop quand il est fluide.

"Aube" du premier vers est au singulier. Vous comprendrez facilement pourquoi.

Le social, le nuptial s'emparent de la vie,
diurne et nocturne s'embrassent à l'envie,
auto, boulot, dodo arriveront plus tard.
Sur le rail affaissé d'un amour très paisible,
le temps anesthésie un espace sensible.
Chaque seuil se contracte aux yeux des avatars.

Le choix du présent peut rompre le sort.
Vivre chaque instant sur un tempo fort
prévient la déliquescence du vide
en faisant le vide au long des temps morts
au lieu de l'emplir avec des raccords.
Sinon, la vie instruit son propre bide.

Les sarments de la chair avide
enracinent le sol aride.
Amende l'amande du cœur
au premier rayon de l'aurore !
Son fil conduit au minotaure.
Va changer le fiel en liqueur!

Ainsi l'amour au charnel
accorde un sens éternel.
Le sexe arbore un sourire
dans la pureté du jour.
Son jeu enrobe l'ajour
et dans la lumière expire.

Petite mort subite,
étrange stalactite
qui survit au plaisir,
la chair qui se repose
ne peut nier l'osmose
où naquit le désir.

Le temps ressassé
revit le passé.
Ouvre une autre porte!
Un amour profond,
en lame de fond,
au ciel te transporte.

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