Livre 1 - La roue à aubes

Titre 3 - Rémanence de la mémoire
Plume égarée

Poète solitaire

j'ai crevé des nuages

et fait saigner mon âme

sur des pages et des pages

bien souvent non écrites

L'hypersensibilité surfait

sur les hauts-le-cœur

le dégoût du moi

et l'amour d'elle

Les cris de notre amour

s'effondrent

dans l'envol pantois

de notre besoin

d'éternité

L'amour est une boussole

qui perd toujours le nord

Quand les aimants s'attirent

la flottaison bascule

un souffle inconnu

attise la floraison

chacun choisit son pôle

et parfois la demeure

Le nénuphar des neiges caresse les poissons glacés

Les mots s'égarent

en volutes

Pourquoi les coucher

quand le verbe

est en transe

Le pont des âges

Une douleur impalpable

ricane au fond de moi

les loups franchissent la palissade

je ne suis plus qu'un pauvre être sociable

Mémoire intermittente

je te hais

Pleurer dans les bras de l'instant

subjuguer le doute

et renforcer les berges

la vie se construit

en profondes glissades

Une moto fait chanter ses roues

dans la nuit rugissante

Il y a longtemps

que les loups sont morts

Enjamber les matins

et les obstacles vierges

rebrousser les chemins

de la mémoire

Si l'enfance me paraissait soudain

factice

ma mémoire affective

en ressuscitait les merveilles

comme celles d'un monde

virtuel

Sang coagulé

Kardégic

le ruisseau de la vie

se fraye encore un chemin

sous le pont des soupirs

Résurgence

Terreau charnel

essaim des mots

tumeur en fleurs

viande en pleurs

résurgence des rires enfantins

Un nuage en sucre

flotte sur mes rêves

c'est comme un canard

dans du café noir

L'eau sonne

ma porte s'ouvre

des rats fureteurs

envahissent l'espace

de mes regards

internes

Mon radeau prend l'eau

c'est du pipeau

ton regard surnage

dans mes pensées fades

Je fus diplodocus

j'aurais été homme

la canicule éveille

le souvenir

des particules terrestres

Croc-Blanc a dévoré Dumbo

puis s'est envolé vers Maldoror

un jour il a croisé ton regard

la lune entendra toujours

les hurlements de la chair

dépossédée

Bas-fonds de l'âme

Les ondes élargissent à jamais

l'orée de nos esprits

Nos corps

admis à la putréfaction

impriment sur l'infini

les regards convergents

des sentiments

Le poète est un dénicheur

de fulgurances

dans le magma des mots

dans les gouffres de l'âme

quand l'intime conscience

plonge

dans l'inconscient

La pourriture du sang

réfléchit à l'humus

les vapeurs de l'âme

y prennent racine

Le soir après l'orage

dans un ciel parsemé d'embûches

je suis un oiseau mort vautré dans l'oubli

vers moi je vais vers l'inconnu

La mémoire qui s'efface

suinte

sous les voûtes profondes

J'allais trifouiller

les bas-fonds de mon âme

au bout du chemin des gorgées de bière

et de tords boyaux funèbres

Souvenirs terrestres

Le parfum des corps

de la petite mort

ouvre des aurores

Le salaire des peurs

des vœux de terreur

livre ses horreurs

La corde qui fuit

le tour de mon cou

largue les amarres

de mes souvenirs

Un martinet danse

sur la peau d'un ange

Ma mémoire enterre

un regard d'espoir

L'amour de l'autre

s'apprend

aux portes de la mort

je ne sais pas encore

il va falloir que Dieu

me prête

l'éternité

Chambre noire

La nuit vient

j'éteins tout ce qui nous sépare

j'entre dans mon rêve

et dans toi

Je suis le funambule

aveugle

de mes cordes

vocales

Certains échos parfument votre langue

La mémoire du vieillard

profonde

lointaine

côtoie la mémoire du quotidien

qui ouvre

les portes de la mort

Glisser

sur les silences du miroir

effacer

l'espace jauni de la mémoire

insurrection du conscient

dans la demeure

des pleurs

Dans les bourrasques du chagrin

le café noir

dissout la lumière

Un sourire dans la nuit

celui d'un amour

éteint

revenante luciole