Livre 2 - L'arrimage
Titre 5 - Le poème et la mort
Un matin après la mort
Que sont donc l'Avesta, la Bible ou le Coran
le Talmud échancré dans la Torah visible
ici je sonde enfin les écrits du vivant
Tant de sang a coulé sur un éclat risible
quand Dieu de son big-bang a fait un don d'amour
Sa naïve confiance en l'homme au petit jour
a vu naître céans les grands monothéismes
et les déchirements de tous leurs traits d'union
Seul survit le veau d'or et ses capitalismes
dans la démocratie et sa pelure d'oignon
ou dans la dictature et sa benne à ordures
qui pourrissent d'argent les couches les plus pures
Dieu avait explosé l'idée d'adorations
mais sur un libre esprit s'opposent les prophètes
qui concentrent le jeu dans les impositions
L'infini prend sa source aux yeux des seuls poètes
qui ont écarquillé le regard de l'enfant
et dont la communion avec tout le vivant
voit s'embellir le chant où créer se répète
Et si le don d'amour reste l'unique envie
un matin suit la mort qui voit naître la vie
Cavalcade
Comme une pluie avide au trot sur le pavé
cherche en vain le chemin pour embrasser la terre
à nourrir la parole un souffle désespère
et offre à l'auditoire un regard excavé
Quand les mots jouent à fuir le galop des pensées
et que leur sang s'infiltre en la mémoire du temps
la langue vogue instable Un désir en tourment
zigzague dans le flux de sources insensées
Sur la lèvre tremblante
un mot meurt
Définition troublante
Alzheimer
Déchirures
(à Jim et Diane Foley)
Les mots se sont enfuis dans une lame atroce
Gorge désaccordée aux regards indécents
sur une page blanche avec des traits de sang
comme des restes d'âme après l'horrible noce
Comment imaginer ce qui sera jamais
quand toujours est passé à l'autre bout du manche
Le poème et la mort s'unissent désormais
pour exfiltrer l'amour de cette bulle étanche
Qui pourrait supporter ce nouveau placenta
fécondé par la haine, au sein des attentats
au souffle de l'humain, sinon un cœur de mère
qui pose sur la vie un voile de mystère
Nature morte
Des souvenirs de peau de langue ou de silence
promènent sur la page une triste sentence
la nuit entre partout pour y trouver l'ennui
les mots sont si gratuits que le verbe s'enfuit
des couteaux dessinent des cicatrices mortes
une image sans âme n'ouvre pas les portes.
Qu'est devenu le temple où vivaient les piliers?
Quand dans la ligne libre il enferme le pied
dans un morne emballage ivre de son visage
Narcisse de sa plume assassine la page
et son crime insipide éteint toute émotion
Si pour tenter la gloire il emprunte la rime
sa langue de héraut s'enlise dans la frime
et aucun sentiment ne trouve l'impulsion
Quand les mots se rengorgent dans un gargarisme
le prétendu poème a tout du cataplasme
sur la nature morte en espoir de vision
Il n'offre pas les sens au feu d'un cataclysme
qui pourrait donner vie aux yeux de l'ectoplasme
et ouvrir à la vue un lecteur en fusion
Bref l'émoi d'icelui n'a rien d'un priapisme
Poussière
Un grain de poussière peut vaincre le néant
L'expansion de l'espace en dit la finitude
et demeure infinie en notre latitude
qui rêve les cloisons d'un aquarium géant
L'enveloppe évolue à chaque instant du temps
et grignote le rien pour changer d'attitude
comme si l'univers meublait sa solitude
en écartant les murs de son ventre mutant
Et l'enfant qui apprend l'imite dans sa fuite
écartant chaque jour les parois du savoir
où chaque finitude y engendre sa suite
Le comblement du vide est toujours un espoir
et la vie à ce jeu promène sa bohème
quand ce qui meurt en soi invite le poème
Danse macabre
Pensées juxtaposées par les liens de la langue
le radeau de l'étrange sur le verbe tangue
Quand les mots médusés meurent dans la marée
une pluie de pourquoi dont la peur est parée
enfle le flot fatal où flottent les phonèmes
Une danse macabre emporte les poèmes