Livre 5 - Bémols brisés

Titre 6 - L'amour et l'infini

Danse marine

Le cœur d'un enfant danse à la crête des vagues

L'espoir de vivre enfin scintille sur les flots

mais l'âme d'un passeur est pire qu'une dague

Elle envoie paître au diable un rafiot qui prend l'eau

La mer dépose un corps comme un horrible tag

sur la plage initiale ironie du tableau


Mais que pèse un enfant dans l'opinion qui valse

Quand le pas de la peur pose un pied sur l'émoi

Et que l'esprit étroit protège son beffroi

Sous le flot des infos la bonne âme trépasse

Un enfant qui survit épouse son exil

et sa nouvelle terre mêle accueil et péril

Il avale une langue avec des mots nouveaux

et hurle dans son crâne un silence d'agneau

Il fait le funambule dans le regard de l'autre

et espère toujours un «viens tu es des nôtres»

Refrain


Les témoins de l'époque ont oublié la page

où s'exprimait la haine qui excitait la rage

où des langues de cafards disaient «Je suis partout»

pour que des chairs expirent dans d'horribles faitouts

La parole qui ment fait miroiter l'histoire

le vote est si fragile l'amour aléatoire

Refrain

Aquarium

L’amour fou m’avait fait petit poisson soluble

fondu de toi, fondu, en toi mon aquarium

Je nageais dans ton sang pour faire battre ton cœur

et je ne pouvais plus respirer au dehors

Poisson soluble aussi avalé par la chatte

je frétillais encore vers la petite mort


Ton regard chatoyait dans mon liquide vital

irisé de mille feux qui mordoraient mes sens

Je vivais inconscient des tourments extérieurs

ta lune était sereine et jouait sur mes yeux

L’espoir des alevins défiait le hasard

et l’horizon avait un goût d’éternité


Et puis la réciproque a rompu ses amarres

la pomme artificielle détourné un regard

à peine simplement mais trop pour un orgueil

La musique morbide d’une sirène noire

emporta le vaisseau où naviguait mon cœur

et je devins pêcheur de mon propre naufrage


L’eau devenue acide a rejeté mon corps

Les entrailles rongées je crevais d’amour faim

tentant désespéré d’embrasser le désir

J’avalais l’hameçon aux marches du palais

et ma langue arrachée bavant des mots sanglants

je restais pantelant sur la glaise natale


Il fallait réapprendre à respirer dehors

L’âge d’homme était là qui me tendait les bras

sur une terre pourrie dirigée par le fric

où des requins baveux marchandaient la fesse fraîche

Je coulais dans le moule mais ris au quotidien

pavant de dérision les tâches les plus nobles


Au hasard d’un sourire j’avalais un regard

profond bleu pénétrant à raviver une âme

échue en déchéance et sèche en apparence

Assis sur la margelle de ses yeux d’onde pure

je laissais pénétrer l’inconnu merveilleux

le rêve nuptial et toutes ses turbulences

Le songe d'une nuit d'été

Au frais matin les amoureux

se tiennent la main comme un seul deux

Si le temps file leur tricot

le vent fait parfois des accrocs


J'ai passé mon amour

à tenter de t'aimer

Ça m'a pris bien des jours

mais j'y suis arrivé


En plein midi quand le soleil

éteint les feux de leurs sommeils

il laisse soupirer la braise

sous les cœurs au fond du malaise


J'ai passé mon amour

à tenter de t'aimer

Ça m'a pris bien des jours

mais j'y suis arrivé


Le soir qui tombe n'est pas si sombre

Les sentiments tapis dans l'ombre

font incursion dans la patience

la tendresse étreint le silence


J'ai passé mon amour

à tenter de t'aimer

Ça m'a pris bien des jours

mais j'y suis arrivé


Toutes les promesses faites à l'aube

ont parcouru bien des combats

Si l'intention ne se dérobe

il y a de l'espoir pour là-bas


J'ai passé mon amour

à tenter de t'aimer

Ça m'a pris bien des jours

mais j'y suis arrivé

Passeport

J'avalais une artère aux reflets d'océan

roulais roulais toujours sur les reflux de l'âme

L'asphalte devant moi déroulait son ruban

long serpent de sang bleu immolé à la flamme


Blue road or rolling blues

et des larmes au rire

toujours je reprendrai

la route de ton cœur


Le relent du soleil dans l'odeur du tartan

saoulait saoulait toujours les sursauts de mon âme

Haut-le-cœur accrochés aux ordres du volant

dans l'assaut de lumière où pénétrait la lame


Blue road or rolling blues

et des larmes au rire

toujours je reprendrai

la route de ton cœur


Platanes alignés sur la route du temps

rythmaient rythmaient toujours l'esprit de l'arbre à came

Chevaux échevelés aux sources du printemps

dans une pluie d'amour où l'arc en ciel se trame


Blue road or rolling blues

et des larmes au rire

toujours je reprendrai

la route de ton cœur

Cœur éclaté

(Le pays des enfants morts - d'après Tears in heaven d'Eric Clapton)

Vois-tu mon visage

au pays des enfants morts ?

Connais-tu mon âge

qui évolue sans remords ?

L'amour se fige

sur une image

car je sais

que les temps morts

brisent ma mémoire


Prendras-tu ma main

au pays des enfants morts ?

Est-ce que demain

c'est hier encor' plus fort ?

Je vois la route

et ses cailloux

mais je sais

que le temps fort

vibre en nos mémoires


Je vois la lumière

qui veut s'affaiblir

Je vois les ténèbres

qui veulent m'envahir

Mais au delà

triomphe

la vie

Et je sais

que notre chant

résonne à jamais


Vois-tu mon visage

au pays des enfants morts ?

Connais-tu mon âge

qui évolue sans remords ?

L'amour se fige

sur une image

mais je sais

que le temps fort

vibre en nos mémoires

La muse morte

Colchique dans le sang la vie naît en automne

A l’aube d’un cœur mort le printemps s’époumone

Tu fus fille poème tu es muse du temps

Héroïne éphémère d'un drame adolescent


Eluard exprimait les soupirs en ton âme

Résonance magique à ma future flamme

Ironie de l’amour gisant dans un regard


Nu et vide est le rêve où je fuyais hagard

Ebahi d’être encore là où tu n’étais pas

Pour remontant les ans vers ta source vitale

Refleurir ton absence et l’oubli de tes pas


Un nuage dessine ton image nuptiale

Violant ma mémoire et ravivant ce vœu

Ouvrir l’encre sanglante et aller dans les cieux

Ton nom inscrire enfin sur la stèle éternelle


Et foudre de la langue dans le verbe vivant

Branche ressuscitée par les sources du vent

Ou feuillage bruissant comme un vol d’hirondelle

Tu parfumes les sons et imprime ta sève

Muse morte étendue sous le soleil du rêve


Comme un dernier rayon brûle l’ultime amour

Arraché au sommeil sans espoir de retour

Tu fus femme lumière tu es brise nocturne

Hespéride pommée dans le verger diurne


Eluard dévorant l’espace du souvenir

Résurgence tragique d'un être en devenir

Il y a du sang qui vibre dans une nue blafarde


Nuage d’espérance en la vie qui se farde

Et promet d’être douce en sa lente tumeur

Pour mener la détresse au-delà du grand âge

Réservoir des désirs et macabre rumeur

Une marmotte danse à la lune volage

Violant le terreau qui caresse tes os

Ouvre l’antre fatal et la mort perd les eaux

Te faisant naître enfin dans la sphère éternelle


Et foudre de la langue dans le verbe vivant

Branche ressuscitée par les sources du vent

Ou feuillage bruissant comme un vol d’hirondelle

Tu parfumes les sons et imprime ta sève

Muse morte étendue sous le soleil du rêve